Jean Benjamin
14 septembre 1934
La petite histoire indique qu’il y ait toute une pléthore de jeunes qui ont fait l’apprentissage de chanteur avec Jean Benjamin en Haiti. Parmis ces jeunes en quête de célébrité, notons que André Dorismond, Ansy Dérose, Serge Chauvet , Gérard Hilton étaient les plus fameux de l’époque. De ce fait, nous avons pu constater aussi qu’au-fil des années Ansy Dérose (1934-1998), André Dorismond (octobre 1928-mai 2018) et Jean Benjamin sont parmis ceux qui ont réalisé leurs rêves de jeunesse.
Ils étaient tous des apprentis chanteurs qui prenaient des leçons de chant chez Mme Elizabeth Mahy à Pacot en vue d’améliorer leurs voix et leurs techniques vocales indique André Dorismond en 1998 à la Ballade Dominicale. La période d’apprentissage ayant terminée, Jean Bejamin joignit l’orchestre du Riviera Hotel et devint l’un de ses premiers chanteurs. Ses frères musiciens l’appellent ‘Ti jean Benjamin’, un sympathique chanteur, interprète qui possède un répertoire varié incluant des mélodies espagnoles comme Reloj ( Roberto Cantoral 1935- 2010), américaines et françaises comme Moon River ( Johnny Mercer (1924-2014) et Jézabel du monstre sacré de la chanson française, Charles Aznavour (1924-2018). De plus, il eut toute une myriade de mélodies créoles dont l’une d’entre elles est titrée ‘Jwet Marèl’. Cette fameuse composition de Jean Legros (1925-1977) arrangée par le maestro Edner Guignard pendant sa tenure de maestro dans l’orchestre du Riviera Hotel est probablement la chanson fétiche de Jean Legros et de Jean Benjamin. Au debut des années cinquantes Jean Legros, Joseph Frank (Callou), Michel Préssoir et Guy Gabriel animaient des émissions sur les ondes de Radio Caraibes avec cette chanson en buvant leur cocktail préféré composé avec du sucre blanc, du citron vert et du clairin. Par ailleurs, Edner Guignard remplace le pianiste Luc Desgrottes (grand frère de Michel Desgrottes) en 1953 et y resta jusqu’à la fin de 1959. Quelques mois après, il débute son nouvel emploi à l’Hotel El Rancho.
Au début des années 1960, Jean Benjamin se rend aux Antilles avec l’ensemble de Weber Sicot. Dès son retour en Haiti, il compose Gizelle, chanson écrite pour sa première épouse mais qui n’est jamais imprimée sur disques. Toto (Fritz) Duval et Georges Nerf l’ont exécutée avec lui à Radio Haiti et ils lui ont sugéré de titrer cette chanson ‘Gisou’ pour qu’il n’y ait pas de confusion entre ‘ Jwet Marèl/Gizelle de Jean Legros et sa nouvelle composition. Ce soir, 11/4/ 2023, Michel Préssoir m’a fredonné Gizelle/Gisou composition de Jean Benjamin sur son lit d’hopital. . Partageons le texte original:
Mwen tou seul nan yon fon bwa
Kom asistan de bel histwa
Ocean tap chante
Van tap vante
Branche bwa tap krake
Se yon seul imaj mwen wè devan mwen
Mwen san fanmi
Mwen san zanmi
Pandan’ m trwovem nan yon seul passion
Yon vie guitar ke mwen guenyen
Lè map pincel se yon sel imaj
Ke mwen we devan’m
Se Gisou label Gisou
Ke mwen renmen avek tout ke mwen
Lale kite mwen pou tout lavi mwen
Se sa kifè mwen dezoriante
Une video de cette chanson où Jean Benjamin chante et joue son piano a été perçu sur you Tube mais malheureusement, elle n’est plus disponible.
A l’Hotel El Rancho, Jean Benjamin, pianiste, guitariste, chanteur compositeur, interprête rencontre à nouveau son maestro. Cette fois ci, il a son propre show et les patrons l’admirent de beaucoup. Son premier voyage à l’étranger lui permet d’utiliser de nouvelles stratégies pour apporter le maximum de joie à ses disciples. C’est bien évident, car il est bien aimé de son publique à cause de la variété de ses chansons et l’éfficacité énergétique de ses performances. Après El Rancho, il s’est rendu en Amérique du Nord sur l’invitation d’un de ses amis, où il vit jusqu’aujourd’hui. Il s’est tiré d’affaire sur la terre de Jacques Quartier et connut des moments de réjouissance. Il n’a sans doute jamais pensé à introduire dans son ‘bucket list’ ou liste de choses à faire une visite à New York mais, ses fans en parlent souvent; il est l’un des chanteurs préféré de Jean Claude Pierre Chrarles (Peddy, février 1939-janvier 2019)avec qui nous avons eu plusieurs tête-à-tête. Il a fallu attendre 1998 pour qu’il réponde à une invitation de la Ballade Dominicale (un club d’amusement et de divertissement) dirrigé par Denis Lefranc et Margaret Durand. Dès son arrivé à l’aéroport Kennedy, il demande à ce qu’on l’amène chez Jules Dougé, un des anciens chanteurs de son époque qui ait fait La Sonora Tropical et le Jazz Des Jeunes etc. Arrivé chez Jules Dougé à Manhatan en compagnie de Joe Trouillot, cette rencontre spéciale prend l’allure d’un après midi de retrouvailles. Jean chante en duo, en trio, jouant du piano avec ses camarades et des images du passé émanent de leurs mémoires pendant qu’ils consomment avec modération du champagne et du Barbancourt. Vers les huits heures du soir, entassé dans une petite voiture, jean Benjamin , Joe Trouillot, accompagnés de trois autres persones prirent le Palissade Parkway pour y attérir à Rockland County où certains membres de Carribean Club Plaza les attendaient. Arrivé au club, une foule assez modeste était présente pour ovationer et rendre hommage à plusieurs de nos artistes qui ont contribué à l’enrichissement de notre musique. Par conséquent, le spectacle de La Ballade Dominicale est ajourné.
Voilà qu’arrive l’an 2002, l’année pendant laquelle le ministre de la culture en Haiti rend hommage aux musiciens des années cinquantes et soixantes, Jean Benjamin est l’un des invités. Accompagné par Eddy Prophète au piano, Azor, au tambour, Boulot Valcourt à la guitare etc, Jean Benjamin semble retrouver la splendeur et la majesté de sa jeunesse. Le video tape enregistré en la circonstance suggère qu’il est dans son plus bel éclat, il brille de tous ses feux sur scène en chantant Jwet Marèl et Jézabel. De plus, l’assistance chante avec lui; c’est réellement du merveilleux. C’est une cassette video inoubliable, quelque chose qu’on doit préserver, regarder à plusieurs reprises. Pourtant, la mienne n’y est plus; elle est écorchée, ébréchée.
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De gauche a droite, accroupi Michaelle Crane de Jacmel1938-2023 - Rousseau fils d'un des premiers chanteurs de l'Orchestre Saieh
De gauche a droite deuxieme rangee Michel Pressoir, un inconnu, Pierre Blain 1932-2012- Charles Dessalines 1932-2019, Joe Trouillot 1922-2015 Jean Bejamin, Boulot Valcourt 1946-2017. Derniere rangee a l'extreme gauche, un inconnu et a l'extreme droite Julien Paul1927-2005.
Cette photo prise en 2002 en Haiti est une courtoisie de Michel Pressoir.
Dans moins d’une année, jean Benjamin et Michel Préssoir franchiront la frontière nonagénaire pour se joindre à Félix et Edner Guignard, deux des monuments de notre musique qui ont défié le temps et les données statistiques. Ces icones de notre culture dont nous évoquons souvent leur simplicité, compétence et dignité méritent les honneurs du purgatoire musical. Nous ne saurions esquiver ce devoir de mémoire, ce spasme viscéral pour rappeller à tous ceux qui veulent connaître l’histoire de notre musique et la sérénité fragile, instable que certains de nos artistes ont vécue pendant une bonne partie de leur existence. Souhaits tardifs d’heureux anniversaire Jean Benjamin et ad multos annos.
Adrien B.Berthaud
4 novembre 2023
Phd/Psy Profésseur émerité de la cité de New York
Waldorf, Maryland
Notes de références:
Entretien avec Michel Préssoir sur son lit d’hopital le 4 novembre 2023.
Tête-à-tête de Dominique Janvier avec Jean Claude Pierre Charles (Peddy) en date du 15 janvier 2014.
Video tape de (Hommage des Musiciens Des Années 50 & 60 en Haiti) en l’an 2002.
Entretien avec André Dorismond au Fort Dix International (Ballade Dominicale) 1998
Archives/Musique, Dominique Janvier/Consultant Max Blain